L’intelligence artificielle transforme rapidement le secteur du tourisme, mais son adoption soulève des questions cruciales sur l’éthique et l’impact environnemental. Noélie Berthod-Brand, spécialiste en marketing digital et formatrice chez ritzy*, invite les entreprises touristiques à dépasser l’enthousiasme technologique pour adopter une réflexion plus approfondie sur ces enjeux.
« Il est important de faire une réflexion avec davantage de hauteur et d’avoir conscience de ce qu’implique l’IA. Cela peut refroidir certaines ardeurs, mais c’est important de se poser des questions en lien avec l’éthique et l’impact climatique », précise Noélie Berthod-Brand. «
La formatrice observe que beaucoup d’entreprises testent ces technologies sans mesurer les implications. « Chacun teste, divulgue ses données, sans au final vraiment réfléchir. Mais ce n’est pas anodin ». Elle prône une démarche où les entreprises peuvent utiliser l’IA en pleine conscience après avoir intégré ces considérations éthiques et écologiques.
Des bénéfices indéniables, mais à contextualiser
Pour les entreprises, l’IA offre un potentiel d’agilité très important, permettant de dégager du temps pour d’autres tâches et de s’adapter plus vite aux nouveaux comportements. Ces avantages incluent par exemple une réduction des coûts, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et une gestion dynamique des prix. Du côté des clients, l’IA promet une amélioration de l’expérience globale, en facilitant l’accès à l’information et en personnalisant les interactions.
Cependant, Noélie Berthod-Brand alerte sur plusieurs écueils. « Au niveau juridique tout d’abord, les entreprises ont souvent tendance à considérer qu’elles ne sont pas soumises au RGPD. Or, dès qu’on a du trafic en provenance de l’Union européenne, elles doivent s’y soumettre en tant qu’éditeur d’un site web ».
Elle souligne également le risque de dépendance technologique. « Certaines PME pourraient être perdues s’il nous manque de l’électricité et rendent indisponibles certaines applications ». Sans compter que les acteurs qui développent des solutions d’IA sont en mains américaines. « Les règles du jeu peuvent changer à tout moment ».
L’impact sur l’emploi constitue un autre défi majeur. Selon Noélie Berthod-Brand, il y a une urgence à requalifier certains emplois. Que faire du temps économisé et comment le mettre à profit pour l’entreprise ?
Des dangers pour les clients
Les risques touchent également les utilisateurs finaux. Noélie Berthod-Brand cite l’exemple de Meta, qui impose par défaut la collecte des données et l’IA à ses utilisateurs.
Les biais algorithmiques posent aussi un problème persistant et sont difficilement corrigibles. Sans compter les risques de désinformation, notamment, dans le cadre d’un chatbot d’un hôtel de montagne, incapable de calculer correctement le temps de déplacement entre deux vallées.
Un impact environnemental préoccupant
Les chiffres environnementaux interpellent également. « L’utilisation de ChatGPT consomme dix fois plus d’énergie qu’une recherche Google et nécessite six fois plus d’eau que la consommation du Danemark pour refroidir les centres de données IA », rappelle Noélie Berthod-Brand. Selon les projections, en 2027, la consommation énergétique de l’IA pourrait atteindre 0,5% de l’énergie mondiale.
« Cela nous questionne sur notre usage de l’IA », observe l’experte. Selon elle, il n’y a pas besoin de l’IA pour trouver les hôtels une région. Une requête Google fait l’affaire. Mais avec l’introduction de Google Overview et la génération automatique de contenu IA au sommet des pages de recherche, il est difficile de s’en passer.
Vers une utilisation consciente
Face à ces constats, Noélie Berthod-Brand met en garde. « L’IA générative est en train de nous être imposée et on perd le contrôle sur l’utilisation de ces technologies ». Elle encourage les entreprises à adopter une approche consciente, dépassant les seuls « avantages qui ne sont que la pointe de l’iceberg.
Cette réflexion doit inclure les effets sur les utilisateurs eux-mêmes. « Si l’IA permet de trouver des idées, être plus efficace, se rassurer, gagner du temps, elle peut aussi entraîner une diminution de la créativité, de l’autonomie émotionnelle et une baisse de la pensée critique.
La spécialiste invite ainsi les entreprises touristiques à dépasser l’enthousiasme initial pour intégrer ces dimensions dans leur stratégie d’adoption de l’intelligence artificielle.
Propos recueillis lors des Journées Digitourism 2025 à Fiesch